Stichomythie | Définition & exemples

Au théâtre, la stichomythie est une réplique courte qui dynamise l’échange entre deux personnages.

Stichomythie def
Courte réplique, généralement suivie par une autre stichomythie de même longueur, qui crée un échange vif et animé entre les personnages d’une pièce de théâtre.

Du théâtre classique aux pièces contemporaines, la juxtaposition de stichomythies constitue une véritable joute verbale, rythmée par les ripostes des personnages.

En vers ou en prose, cette réplique reflète surtout une dynamique particulière, mêlant tension dramatique et procédé comique. Une chose est sûre : la stichomythie a le sens de la répartie…

Def stichomythie
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Stichomythie : définition

Au théâtre, il est peu commun d’employer le mot stichomythie au singulier. Puisqu’elle succède invariablement à une autre au sein d’un dialogue, la stichomythie se conçoit généralement au pluriel.

Les stichomythies sont donc une succession de répliques courtes, rapides et vives qui imposent un rythme soutenu au dialogue entre deux personnages. L’échange est dynamique, les tours de paroles s’enchaînent, la conversation est menée à bâtons rompus.

Stichomythies théâtre
[…]

ARGAN. — De belle taille.

ANGÉLIQUE. — Sans doute.

ARGAN. — Agréable de sa personne.

ANGÉLIQUE. — Assurément.

ARGAN. — De bonne physionomie.

ANGÉLIQUE. — Très bonne.

ARGAN. — Sage, et bien né.

ANGÉLIQUE. — Tout à fait.

ARGAN. — Fort honnête.

ANGÉLIQUE. — Le plus honnête du monde.

[…]

(Molière, Le malade imaginaire, 1673 ; Acte I, Scène 5)

Structure des stichomythies

Historiquement, les premières stichomythies sont des vers, un format propre aux tragédies grecques versifiées.

De tailles égales, les stichomythies du théâtre classique ne présentent pourtant pas de longueur standard : le nombre de syllabes reste libre.

Autrement dit, si la première stichomythie est un alexandrin, un vers de douze syllabes, les suivantes présentent la même taille tout au long du dialogue. Toutefois, le choix du nombre de syllabes initiales revient entièrement au dramaturge.

Ainsi, la versification du théâtre classique influence nettement la structure des stichomythies. Ces dernières, alors rimées, présentent un rythme et des sonorités identiques.

Elles imposent à l’échange une certaine musicalité, proche du canon. Les personnages se répondent selon le même motif mélodique.

Le théâtre contemporain abandonne la versification au profit de la prose, ce qui modifie la structure des stichomythies.

L’abandon du vers et de ses rimes fait place à un parallélisme de structure : répétitions et anaphores deviennent autant d’artifices graphiques pour pallier le manque de musicalité et maintenir la rythmique de l’échange.

Les stichomythies deviennent de plus en plus courtes, incisives. Ce faisant, elles précipitent le dialogue qui devient joute verbale, alternant attaques et ripostes.

Plus brèves, elles restent cependant symétriques : les tours de paroles sont surprenamment égalitaires, quels que soient le sexe ou la fonction sociale des personnages.

Rôle des stichomythies

Tranchantes et promptes, les stichomythies font graduellement monter la tension d’une scène.

Leur rythme intensifie un conflit sous-jacent et témoigne de la nervosité croissante des personnages. Elles sont de véritables coups métaphoriques portés à l’adversaire.

En théâtre classique, les stichomythies sont particulièrement utilisées dans les relations amoureuses. Sous la plume de Corneille, les nombreuses intrigues auxquelles se livrent les amants deviennent des altercations, de violentes joutes verbales.

La violence des stichomythies cornéliennes transforme les rapports de séduction en rapports de domination. Le dramaturge déguise en comédie la cruauté, a priori autorisée, du jeu de la séduction.

Le théâtre contemporain délaisse nettement les rapports amoureux et enrichit les stichomythies d’une perspective plus intellectuelle, en y associant ironie, sarcasme et autres antithèses.

La juxtaposition dense et énergique de différents points de vue devient synonyme d’art rhétorique et d’aisance oratoire. La tension entre les interlocuteurs est toujours présente, mais l’humour et l’esprit remplacent la violence verbale du couple cornélien.

En bref…
Répliques brèves et de même longueur, les stichomythies témoignent du rapport de force symbolique entre deux locuteurs.

Du conflit émotionnel au face-à-face intellectuel, les dramaturges ont substitué aux sonorités identiques un parallélisme structurel pour mieux rendre compte du duel conversationnel auquel se livrent leurs personnages.

Stichomythie : exemples

Traditionnellement en vers dans le théâtre classique, les stichomythies du théâtre contemporain ont adouci la violence de l’échange en restituant le dynamisme enjoué et l’attribut comique du procédé.

Stichomythies dans le théâtre classique

Pierre Corneille, dramaturge et poète français du XVIIe siècle, place l’intrigue amoureuse au cœur de sa trame narrative.

Chacune de ses pièces met en scène une héroïne courtisée par un ou plusieurs prétendants. S’y succèdent alors déclarations enflammées et trahisons mondaines, issues d’esprits frivoles et de cœurs volages.

La forme particulièrement codifiée du théâtre classique a l’avantage de créer une rythmique particulièrement mélodieuse grâce à une symétrie syntaxique, lexicale et phonétique.

Si Corneille tire savamment parti de la noblesse de l’alexandrin, ce sont bien les stichomythies qui viennent dynamiser le dialogue et attiser la tension dramatique de la scène.

Def stichomythie : théâtre classique
[…]

ÉRASTE. — Le rapport de mes yeux, aux dépens de mes larmes,

Ne m’a que trop appris le pouvoir de vos charmes.

TIRCIS. — Sur peine d’être ingrate, il faut de votre part

Reconnoître les dons que le ciel vous départ.

ÉRASTE. — Voyez que d’un second mon droit se fortifie.

MÉLITE. — Voyez que son secours montre qu’il s’en défie.

TIRCIS. — Je me range toujours avec la vérité.

MÉLITE. — Si vous la voulez suivre, elle est de mon côté.

TIRCIS. — Oui, sur votre visage, et non en vos paroles.

Mais cessez de chercher ces refuites frivoles,

Et prenant désormais des sentiments plus doux,

Ne soyez plus de glace à qui brûle pour vous.

[…]

(Pierre Corneille, Mélite ; Acte I, scène 2)

Explications :

Écrite en 1625, cette pièce de Corneille est l’une des premières comédies de mœurs de l’époque.

Elle met en scène un triangle amoureux entre Éraste, jeune homme amoureux de Mélite, et son ami Tircis. Au grand malheur d’Éraste, les sentiments que Mélite éprouve, bien que contradictoires, sont destinés à Tircis.

Dans l’extrait ci-dessus, les deux amis font front commun contre la beauté singulière et glaciale de Mélite. Les stichomythies reflètent à merveille le ballet des émotions, la valse de l’attirance et de la répulsion.

Elles exacerbent la tension et attisent l’antagonisme dramatique de la scène, où s’opposent beauté et bonté : un esthétisme de façade contre la noblesse des sentiments.

Loin d’être entièrement soumis aux codes du théâtre classique, Corneille alterne la taille des strophes, faisant se succéder distiques (2 vers), monostiches (un seul vers) et quatrains (4 vers).

L’échange galant devient rixe verbale, un contentieux où chacun se dispute la vérité et affiche, sous couvert d’honnêteté, un cynisme tranquille.

Merveilles d’originalité, les stichomythies cornéliennes offrent dans cet extrait leur aspect le plus novateur : l’introduction d’un troisième locuteur dans l’échange. Triangle amoureux oblige, Tircis est bien plus qu’un simple témoin ; il s’immisce dans le dialogue et dans la relation naissante pour assumer pleinement son rôle de trouble-fête.

Loin de n’être qu’une succession de répliques bien senties, ces quelques stichomythies révèlent tout le talent du dramaturge : faire correspondre forme et fond pour se jouer du premier et sublimer le second.

Stichomythies dans le théâtre contemporain

Non versifié, le théâtre contemporain mise sur la similarité syntaxique pour combler la perte des rimes.

Si l’anaphore permet la répétition d’une même structure, l’étalement sémantique des stichomythies sur plusieurs répliques participe grandement au renouvellement du procédé, et, par conséquent, à sa longévité.

Def stichomythie : théâtre contemporain
[…]

VLADIMIR. — Tu n’étais pas là ?

ESTRAGON. — Je n’ai pas fait attention.

VLADIMIR. — Eh bien… Rien de bien précis.

ESTRAGON. — Une sorte de prière.

VLADIMIR. — Voilà.

ESTRAGON. — Une vague supplique.

VLADIMIR. — Si tu veux.

ESTRAGON. — Et qu’a-t-il répondu ?

VLADIMIR. — Qu’il verrait.

ESTRAGON. — Qu’il ne pouvait rien promettre.

VLADIMIR. — Qu’il lui fallait réfléchir.

ESTRAGON. — À tête reposée.

VLADIMIR. — Consulter sa famille.

ESTRAGON. — Ses amis.

VLADIMIR. — Ses agents.

ESTRAGON. — Ses correspondants.

VLADIMIR. — Ses registres.

ESTRAGON. — Son compte en banque.

VLADIMIR. — Avant de se prononcer.

ESTRAGON. — C’est normal.

VLADIMIR. — N’est-ce pas ?

ESTRAGON. — Il me semble.

VLADIMIR. — À moi aussi.

[…]

(Samuel Beckett, En attendant Godot ; Acte I)

Explications :

Écrite en 1948, la pièce de l’irlandais Samuel Beckett s’inscrit dans le théâtre de l’absurde. Composée de deux actes, mais d’aucune scène, Beckett rédige en français cet incontournable du genre.

Mettant en scène deux vagabonds (Vladimir et Estragon) qui attendent la venue d’un être dont on ne connait que le nom (Godot), Beckett use de nombreux artifices pour dynamiser l’attente : didascalies et stichomythies assurent à proprement parler la mise en scène du dialogue.

Dans cet extrait, Beckett souffle un vent de fraîcheur sur le procédé en maniant avec brio les anaphores et les répétitions de structures syntaxiques. Ce faisant, le dramaturge transforme le dialogue en monologue : les personnages ne se répondent plus, ils se complètent en terminant les phrases de l’autre.

Leurs répliques s’associent pour n’en former qu’une, sous la forme d’une énumération, d’un soliloque à voix haute, voire d’une conversation à bâtons rompus avec soi-même.

Si Beckett a toujours refusé d’associer Godot à Dieu, il n’a jamais démenti le burlesque de ses personnages et la dimension métaphysique de leur réflexion. La condition humaine et l’absurdité de la vie, renforcées par l’immobilisme et l’attente vaine, sont le cœur dramatique de la pièce.

Les stichomythies insufflent un rythme et une cadence à deux actes qui brillent au contraire par leur lourdeur et leur latence. Elles nous entraînent dans ce grotesque dialogue de sourds comme dans un tourbillon de pensées. Le spectateur en rit d’abord, puis comprend que lui aussi attend quelque chose qui ne viendra jamais.

Questions fréquentes sur la stichomythie

Qu’est-ce qu’une stichomythie au théâtre ?

Au théâtre, une stichomythie est une brève réplique qui dynamise l’échange.

Puisqu’elle est généralement suivie par d’autres stichomythies, le rythme du dialogue en est modifié : les répliques fusent et deviennent ripostes ou réparties selon le registre dramatique ou comique de la scène.

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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.