Que signifie Habemus papam ?
Nous n’avons que rarement l’occasion de prononcer Habemus papam dans la vie de tous les jours, et pour cause : cette locution latine s’emploie officiellement pour proclamer l’élection d’un nouveau pape, événement qui ne se produit qu’une ou quelquefois à l’échelle d’une vie humaine.
Ce 21 avril 2025, le lendemain des célébrations de Pâques, le 266e pape de l’Église catholique, François (Franciscus en latin, de son vrai nom Jorge Mario Bergoglio), s’est éteint d’un accident vasculaire cérébral à l’âge de 88 ans.
Son trépas, comme pour tous les autres papes avant lui, signe la fin de son pontificat et la nécessité d’élire prochainement un nouveau Saint-Père.
C’est la raison pour laquelle, depuis quelques jours, on voit la même formule réapparaître dans les médias : Habemus papam.
Mais savez-vous vraiment ce que veut dire cette expression ? Qu’implique précisément son usage, et d’où vient-elle ?
Habemus papam : signification
Habemus papam est une locution latine signifiant littéralement « Nous avons un pape ».
Elle est connue comme l’expression formelle utilisée pour annoncer au monde entier l’élection d’un nouveau pape chargé d’incarner l’Église catholique, après le décès ou la renonciation du précédent.
Les mots Habemus papam s’insèrent dans une formule plus longue, et très codifiée, déclamée entièrement en latin.
Eminentissimum ac reverendissimum dominum,
dominum [prénom(s) de l’élu annoncés en langue latine],
Sanctae Romanae Ecclesiae cardinalem [nom de famille de l’élu annoncé en langue latine],
qui sibi nomen imposuit [nom de règne de l’élu].
Traduction :
Je vous annonce une grande joie : nous avons un pape !
Le très éminent et très révérend seigneur,
Monseigneur [prénom(s) de l’élu en langue latine],
cardinal de la sainte Église romaine [nom de famille de l’élu annoncé en langue latine],
qui s’est donné le nom de [nom de règne de l’élu].
L’Habemus papam est toujours prononcé depuis le balcon central de la basilique Saint-Pierre au Vatican.
Cette responsabilité honorifique revient au cardinal protodiacre, cette distinction désignant dans la hiérarchie catholique le cardinal doyen de l’ordre des cardinaux-diacres en dessous de 80 ans.
Sa déclaration intervient à l’issue du conclave qui s’est réuni pour élire le nouveau pape, composé d’un rassemblement de cardinaux à huis clos. Celui-ci intervient généralement environ quinze jours après le décès du précédent pape.
Juste après avoir annoncé l’identité du dernier pape, le cardinal protodiacre se met alors en retrait et laisse le nouveau chef de file de l’Église catholique apparaître au balcon pour donner sa première bénédiction au monde entier.
Signifiant littéralement « à la ville et au monde », Urbi et orbi se dit d’une bénédiction solennelle prononcée, de nos jours, par le pape au balcon de la basilique Saint-Pierre lors d’occasions importantes et fondatrices du culte catholique (Noël, Pâques… mais aussi première apparition du nouveau pape en cette qualité).
S’adressant aux catholiques du monde entier, elle a vocation à toucher les fidèles de façon universelle.
Dans un contexte impie (c’est-à-dire non religieux), on peut aussi l’employer relativement à une déclaration de grande ampleur, faite en grande pompe. Par exemple, on parle de clamer une nouvelle urbi et orbi pour une information que l’on crierait sur tous les toits.
Habemus papam : origine et histoire
L’usage d’Habemus papam et de tout le discours qui l’entoure lors de l’élection d’un nouveau pape s’inscrit dans un protocole de règles à suivre à la lettre.
Ces règles découlant d’une longue tradition religieuse sont inscrites dans le droit canon. Cependant, des modifications y sont régulièrement apportées par les papes eux-mêmes. Récemment, l’antépénultième pape Jean-Paul II ainsi que l’avant-dernier pape Benoît XVI, s’y sont attelés en 1996 et 2013, durant leurs pontificats respectifs.
La formule utilisée pour l’annonce elle-même peut faire l’objet de différences substantielles d’une élection à l’autre…
- Le 19 avril 2005, à la suite du décès de Jean-Paul II, un conclave se tient et un nouveau pape est élu : Benoît XVI. Le cardinal Estévez, en sa qualité de cardinal protocolaire, en fait l’annonce d’une manière que l’on commente comme étant plutôt solennelle… En effet, après avoir introduit sa prise de parole par une formule de salutation répétée en cinq langues (italien, espagnol, français, allemand et anglais), il a marqué les esprits par les pauses qu’il marquait entre chaque phrase et élément clé du discours. Au total, son allocution a duré quasiment 2 minutes 30.
- À l’inverse, l’élection du pape François, le 13 mars 2013, fut marquée par un Habemus papam beaucoup plus sobre et concis, sans salutations multilingues en préambule ni pauses solennelles. De ce fait, son annonce dura seulement 32 secondes… pour réciter peu ou prou le même texte.
De la longue formule prononcée par le cardinal protodiacre, on retient surtout les mots forts du discours, à savoir la locution Habemus papam.
Cette dernière est entretenue comme un gimmick par les journalistes et éditorialistes de tous bords, car désormais reconnue de tous ou presque.
Cette popularité universelle est une façon de fédérer autour de l’actualité catholique, y compris au-delà des croyants ou des fidèles, car l’élection d’un nouveau pape est vue, dans le monde occidental, comme un événement aussi bien religieux que culturel.
C’est également et avant tout un moment important de la vie politique et médiatique.
Habemus papam, victime de sa célébrité, est ainsi souvent reprise dans d’autres contextes, notamment informels, où elle peut servir à annoncer une décision inattendue ou une nomination importante.
Souvent, eu égard à sa grandiloquence, son usage détourné revêt un ton humoristique, voire carrément ironique, servant à pointer le complexe de supériorité d’une personne.
Exemple d’Habemus papam ironique :
— Je suis le plus vieux et le plus doué, donc c’est à moi de présider le conseil !
— À la bonne heure : Habemus papam…
— Je te dispense de ton sarcasme !
Habemus papam 2025
Quel sera le successeur du pape François, qui avait marqué l’Histoire en devenant le tout premier pape sud-américain et jésuite ?
Plusieurs noms pressentis circulent déjà, mais la décision reviendra aux quelque 140 cardinaux de l’Église catholique.
Ceux-ci ne pouvant se soustraire à l’exercice (sauf empêchement absolu), ils se réuniront en conclave sous 15 à 20 jours après la mort du pape François, soit entre le 5 et le 10 mai 2025.
Les votes se feront à huis clos et à bulletin secret, à l’intérieur de la chapelle Sixtine. Tout contact avec l’extérieur sera prohibé, et les alliances internes seront interdites.
Seul le cardinal qui recueillera les deux tiers (ou au-delà) des suffrages pourra être élu. Si le dépouillement ne permettait pas d’atteindre cette unanimité relative, les bulletins seraient brûlés et le tour de table recommencerait, et ce jusqu’à ce qu’au moins deux tiers des votants s’accordent à inscrire le même nom sur leurs bulletins.
De l’extérieur, on saura que le pape est élu quand la fumée qui s’échappera de la chapelle Sixtine deviendra blanche. Le pape fraîchement nommé choisira alors son nom de règne. Après que les cardinaux lui auront prêté hommage, le cardinal protocolaire fera son apparition sur le balcon et récitera l’Habemus papam de circonstance devant une foule suspendue à ses lèvres et derrière les télévisions du monde entier.
Sauf empêchement absolu ou décès prématuré d’ici-là, c’est à un français que reviendra la charge de l’annonce de l’identité du nouveau Saint-Père et de son nom de règne papal : l’actuel cardinal protodiacre Dominique Mamberti.